L'Agneau Mystique des frères
Van Eyck op.49 - (2006-07 - revision 2011)
Sumphônia (VII) for small orchestra
to Chris Rice
Voici les titres issus du retable correspondant aux 27 petites
sections de la partition:
1. Le donateur
2. Saint-Jean-Baptiste (statue)
3. L'annonciation à Marie par l'ange Gabriël
4. Intérieur avec vue de la ville
5. Le prophète Zacharie
6. La Sibylle d'Erythrée
7. Le Sacrifice de Caïn et d'Abel
8. Adam
9. Les Anges chanteurs
10. Les Juges intègres
11. Les Chevaliers du Christ
12. Marie, reine des cieux
13. L'adoration de l'Agneau Mystique
14. Christ glorifié sur le trône
15. L'adoration de l'Agneau Mystique (2)
16. Saint-Jean Baptiste, le précurseur
17. Les Ermites
18. Les Pèlerins
19. Les Anges musiciens
20. Eve
21. Le fratricide de Caïn sur Abel
22. La Sibylle de Cumes
23. Le prophète Michée
24. Intérieur avec vue sur une rue gantoise
25. Marie en prière protégée par le Saint-Esprit
26. L'épouse du donateur
27. Saint-Jean l'Evangéliste (statue)
durée approximative : 14 minutes
Composition de l'orchestre :
2 flûtes (dont 1 piccolo jouant aussi la seconde
flûte)
1 hautbois et 1 cor anglais
1 clarinette en Si bémol et 1 clarinette basse en Si bémol
1 basson et 1 contrebasson
2 trompettes en Do
2 cors en Fa
1 trombone basse
Percussions :
1 timbalier (5 timbales) + 1 percussionniste pour 9 instruments:
grosse caisse, triangle, 4 tom-toms, 4 wood-blocks, tam-tam grave,
caisse claire,
cymbales suspendues, vibraphone,
cloches tubulaires.
1 piano
les cordes (8/6/4/4/3) minimum
A propos de l'uvre:
Je considère souvent qu'il vaut mieux laisser
la musique d'un compositeur parler pour lui. Mais quand on porte
sur les fonds baptismaux une uvre nouvelle, et qui plus
est, dotée d'un titre aussi curieux, il n'est peut-être
pas inutile de donner quelques mots d'explication, en espérant
que cela ne provoque aucun malentendu.
Cette pièce, esquissée pendant l'hiver
2006-2007, et que j'ai entièrement révisée
en 2011, m'a été inspirée par le célèbre
polyptyque de 'L'adoration de l'Agneau Mystique' que l'on peut
admirer dans la cathédrale de Gand, et qui fut terminé
en 1432 par Hubert puis Jan van Eyck suite à une commande
privée. Il se base sur le 'Livre de l'Apocalypse de St
Jean', dernier livre de la Bible, dont le nom, ne l'oublions pas,
correspond à un 'dévoilement' et non à une
quelconque 'fin du monde'. L'adéquation symbolique entre
l'Agneau et le Christ est, je le suppose, connue de tous. J'avais
découvert une reproduction de cette uvre étonnante
lors de mes études à Moscou au début des
années 90, j'ai eu la chance par la suite de l'admirer
par deux fois 'in situ', et depuis lors l'idée de 'musicaliser'
ce tableau n'a cessé de me hanter. Le polyptyque est constitué
de 26 panneaux de tailles variées, mais répartis
en trois ensembles principaux : 2 groupes latéraux qu'on
ne voit que lorsque le retable est fermé, et le groupe
central qui se voit une fois le retable ouvert, entouré
du revers des groupes latéraux. Chez moi les panneaux externes
se retrouvent transposés en introduction et en conclusion
(2 minutes à chaque fois), entourant le corps principal
de l'uvre. A noter que j'ai glissé des 26 panneaux
(ou 24 selon l'analyse) à 27 car le tableau central de
l'Agneau est chez moi divisé en son milieu par ce que m'a
inspiré la paix étrange et distante de la figure
divine centrale (un mélange volontairement ambigu entre
la figure du Père et celle du Christ), panneau transformé
musicalement en force tellurique menaçante, bien que coupée
par un silence sur lequel je vais d'ailleurs revenir.
Une particularité de mon inspiration vis-à-vis
du polyptyque, c'est qu'elle est à plusieurs niveaux :
d'une part la structure générale assez simple se
trouve suivie dans le découpage de la partition, d'autre
part le message de l'uvre pictural se retrouve directement
dans les différentes atmosphères musicales, même
si c'est parfois avec une perspective très personnelle
et sans doute fort éloignée de l'esprit religieux
du 15ème siècle (d'autant que je ne suis pas moi-même
croyant) ; d'autre part encore, c'est la technique mise en uvre
par les deux peintres qui va inspirer formidablement la 'biologie'
secrète du développement musical de la partition.
Avec l'extraordinaire profondeur de champ, symétries et
respiration circulaire de l'uvre, la technique picturale
quasi fractale dans les arrière-plans trouve des équivalences
dans la cohérence de la matière sonore utilisée
(entre macrostructure et lignes de contrepoint des plans sonores
d'accompagnement). Les détails sont parfois d'une telle
profusion chez les Van Eyck, qu'il nous semble possible de les
agrandir indéfiniment (et les peintres ont été
jusqu'à reproduire sur certains bijoux des 'anges chanteurs',
le reflet des vitraux de la cathédrale où il était
prévu d'exposer l'uvre).
Parfois dans cette musique j'use de procédés
de suggestions plus ou moins cryptés ; par exemple : comment
évoquer concrètement Dieu en musique ? C'est impossible
bien sûr, que l'on y croit ou non. Mais pour la plupart
des musiciens, c'est Bach qui est le Dieu, et outre le motif bien
connu formé par les 4 lettres de son nom, j'utilise, notamment
dans la culmination, une partie du sujet de la 24ème fugue
du 1er Clavier bien tempéré, bien que de manière
largement méconnaissable. Ces motifs interviennent également
aux deux points stratégiques et symétriques bordant
le tableau central que sont les effrayantes évocations
du sacrifice de Caïn et d'Abel ou du fratricide d'Abel par
Caïn. Mais le point absolument culminant de ma pièce,
absolument en son centre, et qui symbolise le mieux pour moi l'idée
de Dieu, c'est un simple silence. Là encore on peut y lire
plusieurs significations, entre autres, une allusion à
la tradition juive qui évite de prononcer le tétragramme
de Son Nom, ou bien dans un tout autre registre, peut-être
une allusion à une philosophie tentant d'interpréter
justement le silence de Dieu, qui est aussi pour certains un silence
insupportable devant les injustices humaines.
Enfin, même si c'est plus l'esprit et l'effet
de l'uvre sur moi-même qui m'inspirent d'abord, sans
illustration littérale, je n'ai pas cherché obstinément
à éviter des associations évidentes, et par
exemple, on entendra les Cavaliers galoper, les anges chanteurs
chanter, etc., ou bien on peut imaginer comme un zoom arrière
depuis les bruits extérieurs de la rue vers la chambre
de Marie en prière dans la 24ème section.
Quant à la mystique, si on ne peut jamais être
sûr qu'elle vienne même quand on la convoque (comme
l'inspiration), elle se retrouve au-delà du sujet, dans
l'histoire même de ce polyptyque si puissant dans son message,
si fragile dans sa réalité terrestre puisque l'histoire
de cet ensemble unique fut tout au long des siècles tout
à fait romanesque et failli même devenir tragique
: au début du 19ème siècle le polyptyque
était entièrement démembré, au début
du 20ème il fut reconstitué, mais, objet de toutes
les convoitises les plus diaboliques des Nazis lors de la Seconde
Guerre Mondiale, on le sauva d'extrême justesse dans des
mines de sel autrichiennes en 1945, après lui avoir fait
traverser l'Europe en tous sens. Le panneau des 'Juges Intègres',
quant à lui, volé en 1934, n'a jamais réapparu.
C'est donc aussi toute cette aura, ce destin et ce mystère
- qui sont parallèles au destin de notre continent, qui
inspirent tout de même cet Agneau musical, tandis que le
Sacrifice de l'Agneau ne peut pas ne pas évoquer aussi,
ceux, comme dans ma famille, qui ne sont jamais revenus des Camps,
rapprochement par ailleurs très éloigné pour
moi, bien entendu, de toute douteuse récupération
religieuse.
Juste un mot pour ceux que le terme de 'Sumphônia'
laisse perplexe : je le comprends dans son étymologie grecque
originelle - ensemble de sons, et l'utilise pour distinguer mes
pièces 'symphoniques' du terme 'symphonie' de la tradition
musicale bientôt tricentenaire, notamment viennoise, qui
induit d'ordinaire un lien avec une forme historique prédéfinie.
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