Quelques mots sur...Wilhelm Friedemann Bach
C'est aujourd'hui 22 novembre 2010 le tricentenaire
du fils aîné de J.S. Bach, Wilhelm Friedemann
Bach (1710-1784). Il n'est hélas pas vraiment étonnant
de constater qu'il n'y a guère de célébrations
de cet auteur en France ce mois-ci, ni peut-être même
semble-t-il en Allemagne. Je dois avouer, à ma grande
honte, que je ne l'ai sérieusement écouté
que depuis peu. Je veux ici signaler le superbe enregistrement
de la claveciniste Maude Gratton, paru en 2009, et qui
a d'ailleurs remporté des éloges et des prix.
L'univers de Wilhelm Friedemann est passablement étrange,
souvent très violent, escarpé, aux harmonies tellement
inattendues, et il essaye en permanence de concilier une liberté
absolue, avec une rigueur d'écriture bien héritée
de son père dont il était paraît-il le fils
chéri. Cette ambivalence lui valut de n'être pas
vraiment compris de son vivant, bien qu'admiré comme organiste.
Son cheminement 'social' est également assez triste; il
semble qu'il n'ait pas été en mesure de se maintenir
après la mort de son père - qui lui avait tout
organisé - à des postes dignes de lui. Sa musique
- bien moins prolifique que celle de Carl Philipp son cadet -
est tout à fait centrée sur le clavier mais sans
exclusive. Ses partitions passionnées sonnent superbement
sur n'importe quel clavier, piano moderne y compris. Le cycle
le plus joué est sans conteste celui des 12 Polonaises,
qui resta même après sa mort assez connu, surtout
grâce une édition du début du 19ème
siècle, que Chopin connaissait certainement. Toutefois
le rythme caractéristique de la polonaise est très
estompé dans ces pièces, qui sont même parfois
plaintives et lentes. L'utilisation de ce titre de Polonaises
peut aussi s'expliquer par l'histoire, les Bach ayant été
liés comme l'on sait avec la Saxe, dont les rois étaient
également souverains de Pologne. Il publia assez tardivement
à Berlin un petit cycle de 8 Fugues, à une époque
où cette pratique était devenue plutôt désuète.
Un autre cycle de 6 Sonates resta dans ses cartons, l'auteur
n'ayant publié que les deux premières. Les fantastiques
et fulgurantes Fantaisies nous sont parvenues en désordre.
Encore aujourd'hui on retrouve des partitions que l'on croyait
perdues comme les Sonates pour flûte et continuo. On pourrait
aussi se demander si certaines pages du fils n'ont pas rejailli
sur...le père, sous réserve de ne pas manipuler
les dates, qui ne sont guère précises pour le fils;
réécoutons en tous cas les audaces invraisemblables
de la 25ème Variations des Goldberg à la lumière
de W.F. Bach...
Vous pouvez écouter la 8ème Polonaise
sur ma page audio (un simple enregistrement de répetition
en attendant mieux, pour marquer l'anniversaire), en cliquant
ici.
J'espère avoir dans le futur des occasions
de présenter plus souvent sa musique au public. Et dans
une note future sur ce site de revenir plus en détail
sur ce compositeur qui fait - comme beaucoup d'autres du reste
- largement mentir la réputation d'un 18ème siècle
musical inapte à transmettre des émotions 'fortes'.
Christophe Sirodeau
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